Germaine : Eh bien alors, Vincent ?
Vincent : Oui, j'arrive, chérie, c'est que je ne trouve pas mes clés...
Germaine : Comme d'habitude. Pauvre imbécile !
Vincent : Et mon parapluie, il n'est pas là ?
Germaine : Tu ne changeras donc jamais ! Tu resteras toujours un lamentable abruti.
Vincent : Et à quelle heure, déjà, il était, ton premier rendez-vous ?
Germaine : Je te l'ai répété une vingtaine de fois, mais ça n'est pas encore rentré dans ta petite tête de nul !
Vincent : Ce sera pas difficile de deviner qui va se faire buter dans ce putain de film.
Germaine : Qu'est-ce que tu as dit ? *musique angoissante*
Vincent : Je te dis que je ne peux plus te supporter, chérie.
Germaine : Mais qu'est-ce qui te prends ?
Vincent : C'en est trop.
Germaine : Mais qu'est-ce que tu fais avec ce révolver, ce couteau, cette corde, cette bouteille de poison, cette baignoire remplie d'eau et ce sommet d'une falaise ?
Vincent : Je suis très décidé.
Germaine : Mais je t'interdis- *bruits de révolver, de couteau, étranglements et glouglous* Aaaaaaah ! *Germaine tombe en bas de la falaise*
Vincent : Voilà. Et pour éviter tout soupçon, je vais bien dissimuler le corps. Je vais l'emmener ici... Je vais jeter cette vielle lampe dans ce coffre de bois... Le fermer à clé... Mettre le corps de ma femme debout... Mettre l'abat-jour sur la tête... L'ampoule dans la bouche... Et je vais lui brancher le fil. *bruit de pet* Et maintenant, je consulte son agenda... "Coiffure 14h30". Je téléphone... *compose le numéro*
Coiffeur : Coiffure 14h30 ?
Vincent : Bonjour- *voix fluette* Euh, bonjour, ici Madame Delabiche.
Coiffeur : Comment allez-vous, ma Germaine ?
Vincent : Quoi ?
Coiffeur : Euh, allo ?
Vincent : *voix fluette* Depuis quand tu m'appelles par mon prénom, espèce de coiffeur de mes deux ?
Coiffeur : Mais depuis que je vous caresse les fesses, mon amour.
Vincent : *murmure* Oh merde !
Coiffeur : Euh, Germaine ?
Vincent : *voix fluette* Est-ce qu'il y en a d'autres, à part toi, qui me tripote les fesses, espèce d'enfoiré ?
Coiffeur : Je sais pas, vous m'en avez pas parlé.
Vincent : *voix fluette* Enfin j'appelai pour dire que je vais pas aller au rendez-vous cette après-midi parce que je... Je vais me suicider !
Coiffeur : Vous allez vous suicider ?
Vincent : *voix fluette* Oui, je me suiciderai.
Coiffeur : Vous vous suiciderez ?
Vincent : *voix fluette* Suiciderai, oui.
Coiffeur : Eh bien, je suis sidéré !
Vincent : *voix fluette* Merci, au revoir ! *raccroche et reprend sa voix normale* Bon. Maintenant, déroutons la police. *compose le numéro*
Policier : Police ?
Vincent : *voix fluette* Oui, monsieur, ma femme vient de se suici-
Policier : Qui est là, s'il-vous-plait ?
Vincent : *voix normale* Euh, Vincent Delabiche !
Policier : Ah, bonjour.
Vincent : Ma femme vient de se suicider à la maison : c'est abominable !
Policier : Et où c'est, votre maison ?
Vincent : Je viens de vous le dire, c'est à Bominable.
Policier : Bominable. Attendez voir, c'est près de...
Vincent : C'est tout juste à côté de Ffreux.
Policier : Ah, c'est à Ffreux !
Vincent : Non, c'est pas à Ffreux, c'est à Bominable, cinq kilomètres plus loin.
Policier : Et pourquoi vous téléphonez pas au commissariat de Gaçant ?
Vincent : Parce que c'est pas à Gaçant, c'est à Bominable !
Policier : Mais il faut appeler la police de Bsurde.
Vincent : Mais non, c'est pas à Bsurde, c'est-
Policier : Ah, j'ai trouvé, Bominable. Je vous envoie quelqu'un tout de suite.
Vincent : Et d'où vous venez, vous ?
Policier : Basourdi.
Vincent : Ah, vous êtes à Basourdi ?
Policier : Allez, au revoir.
Vincent : *raccroche* Il suffit de rester calme. *On sonne à la porte, il ouvre*
Columbo : Bonjour.
Vincent : Bonjour, inspecteur. C'est affreux...
Columbo : Ah tiens ! Ça, c'est bizarre : je croyais qu'on était à Bominable.
Vincent : Ce matin encore, ma femme me parlait...
Columbo : Au fait, il faut que je vous dise. Je sais que ce sont pas des circonstances idéales pour dire ça, mais...
Vincent : Je vous en prie...
Columbo : C'est un honneur pour moi de me trouver dans la résidence d'un écrivain aussi célèbre que vous.
Vincent : Merci...
Columbo : Ma femme a tous vos livres ! Ça me surprend, d'ailleurs, de voir que vous ne lisez pas du tout...
Vincent : Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
Columbo : Ben, je regardais votre bibliothèque, là, m'sieur. Y'a aucun bouquin : elle est vide ! Ça, c'est bizarre !
Vincent : Mais vous venez de le dire : c'est votre femme qui as tous mes livres.
Columbo : Ah bon sang, vous avez raison ! Faudra que je lui dise de vous les rapporter...
Vincent : C'est ça. Écoutez, monsieur...
Columbo : Lieutenant Columbo. J'suis à votre service, m'sieur !
Vincent : Merci. Vous savez, je n'ai pas beaucoup de temps...
Columbo : Oui, bien sûr, mais si ça vous ennuie pas, j'aimerais seulement jeter un petit coup d'œil à cette lampe.
Vincent : Euh, si vous voulez, mais...
Columbo : Ah tiens ! Ça, c'est bizarre...
Vincent : Quoi donc ?
Columbo : On dirait une personne qu'on a abattu en plein jour.
Vincent : Vous dites ça parce qu'elle a un abat-jour !
Columbo : Ah, c'est possible.
Vincent : Bon, lieutenant...
Columbo : Dites, ça vous dérangerait beaucoup d'ouvrir ce coffre ?
Vincent : Euh, c'est que j'ai pas la clé...
Columbo : C'est pas compliqué : je perce la serrure, et puis, je la casse et on ouvre !
Vincent : Vous la percez et vous la casser ?
Columbo : Ben oui : je perce puis j'casse.
Vincent : Eh bien, vous êtes très perce-puis-casse [perspicace] !
Columbo : On dirait que ça vous ennuie, m'sieur, que je regarde ce qu'il y a dans ce coffre.
Vincent : Ben, c'est parce que je... Ah, puis merde ! C'est une vieille lampe cassée qu'il y a dans ce coffre.
Columbo : Alors, vous avez jeté la vieille lampe cassée dans le coffre et vous avez dissimulé votre femme sous l'abat-jour, m'sieur !
Vincent : Vous êtes fort.
Columbo : Et pourquoi vous avez tué votre femme ?
Vincent : Pour la même raison que j'ai jeté ma lampe.
Columbo : C'est-à-dire ?
Vincent : Elle m'allumait plus.

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