On n’a, pour nommer l’espace
Qu’un pas qui passe
De l’eau à l’eau
Je ne suis qu’un mot qui danse
Sur ton silence
Comme un canot
Le canot de mon grand-père
N’avait que deux avirons
Pour remonter la rivière
Et traverser le lac Long
Ton moteur et ta chaloupe
Seront durs à portager
Il faudra bien que tu coupes
Quelques cyprès très âgés
Pour passer
On n’a, pour nommer l’espace
Qu’un pas qui passe
De l’eau à l’eau
Je ne suis qu’un mot qui danse
Sur ton silence
Comme un canot
Le pas qui se précipite
S’en va droit sur les ennuis
C’est quand l’eau va le plus vite
Qu’elle fait le plus de bruit
Demandez à la renarde
Comme on chasse la perdrix
Vous saurez pourquoi je tarde
À parler du Grand Esprit
Qui me fuit
On n’a, pour nommer l’espace
Qu’un pas qui passe
De l’eau à l’eau
Je ne suis qu’un mot qui danse
Sur ton silence
Comme un canot
L’arbre voit venir la hache
Le faon reconnaît le loup
Des pans d’avenir se cachent
Dans les os du caribou
Pour le portageur, la Terre
Est un énorme animal
Tout un monde de mystère
Que l’homme le plus moral
Traite mal
On n’a, pour nommer l’espace
Qu’un pas qui passe
De l’eau à l’eau
Je ne suis qu’un mot qui danse
Sur ton silence
Comme un canot
Je t’écris de loin, ô femme
Et je m’endors sur ton dos
J’entends battre nos deux âmes
Qui s’éveilleront tantôt
Et je vais comme un fantôme
Plein de folie et de peurs
En oubliant des royaumes
Aux odeurs et aux couleurs
De ton coeur
On n’a, pour nommer l’espace
Qu’un pas qui passe
De l’eau à l’eau
Je ne suis qu’un mot qui danse
Sur ton silence
Comme un canot