La lanière de cuir
Me lacère le dos
Et la lumière du jour
M’attire vers le haut
Fourmilière familière
Où j’y laisserai ma peau
Souricière surveillée
Comme un triste labo
La caillasse arrachée
Aux entrailles de la terre
Sous le regard éméché
D’une bleusaille militaire
… C’est mon beurre
Mon pez, mon labeur
Mon salaire, ma galère
Mon Mpesa, et la peur
D’y rester
Comme les 2 gars d’hier
Le pasteur en parlera
A l’heure de la prière.
Pour payer ma sortie
Je casse des pierres
Ma femme, mes p’tits
Pour un casier d’bière

La lanière de cuir
Me lacère le dos
Mon poignard, mon calibre
Mon bardât, mon fardeau
Et ce cauchemar, chaque soir
La même histoire
Je me vois dans mon père,
Comme dans un miroir.
A mes débuts j’ai porté,
Supporté les corvées
Les marches forcées
Les genoux écorchés
Pour transporter l’or gris
Morveux, j’ai morflé
La colle et l’alcool
Pour copuler Morphée
…
Mais j’ai pris du grade
Chaque copain qui trépasse
Est un pas vers l’estrade
Aujourd’hui soldat
De ceux qu’on soigne pas
Qui pleure en cachette
Et qu’on ne console pas

Encore une journée
A bouffer la poussière
Je sors de mon trou
Etouffé, mais tout fier
C’est décidé j’arrête
De m’asseoir sur des miettes
Pour éponger mon front
Ma soif et mes dettes
… Mais dehors,
Quelque chose a changé
Dans le regard des creuseurs
Je peux lire le danger
Les militaires s’agitent
S’affolent et s’affèrent
Et profitent qu’on s’abrite
Pour voler nos affaires
Tout s’est passé très vite
Et ils sont arrivés
Plus armés, plus rapides
Et plus organisés
En moins d’1 heure
Ils ont pris la mine
Grise est la mienne
Comme ces pierres qui fascinent

On a marché 3 jours
A travers les bois
Pour atteindre un carré
Contrôlé par la loi
On a lancé l’assaut
Vers le petit soir
Les FARDC
N’ont pas eu l’air d’y croire
Ils se sont sauvés
Emportant c’qu’ils pouvaient
Laissant derrière eux
Des creuseurs éprouvés
Mais le carré est à nous
Les filles sont à nous
Tout ce qui a de la valeur
Ou qui vit est à nous !
Les hommes solides
Porteront le butin
Les filles dociles
Serviront de putains
On rejoint le maquis
Par un autre chemin
Et comme le p’tit prince
Nous repasserons demain

50 kilos sur le dos
Qui en paraissent 100
Des chèvres, de l’eau
Des batteries, du coltan
Et ce môme qui me fixe
Le regard menaçant
Ça pourrait être mon fils
Il n’a même pas 15 ans
Ca fait des heures qu’on marche
Qu’on charrie des gisements
Quand soudain j’aperçois
Un point noir et luisant
Je m’approche pour attraper
Ce fruit apetissant
Quand j’entends derrière moi
Un cri d’avertissement

Cette clairière isolée
Ne m’est pas inconnue
On n’y a déjà dessoudé
Des soldats de l’ONU
D’ailleurs la forêt
Porte encore les stigmates,
Chargeurs vides et impacts
D’affrontements qui datent
Soudain à l’avant de la colonne
Un porteur s’écarte
Je m’en vais lui rappeler
Qui distribue les cartes
Le voilà qui se penche
Je lui crie d’arrêter
Si c’est bien c’que j’pense
On va tous s’arrêter…

Un flash, un bruit
Puis plus rien
Ma femme, mes p’tits
Mon destin
Décidément ce fruit
A de curieux pépins
Qui me remplissent le bide
Sans me couper la faim

Le temps s’est figé
Autour de nous
Achevant une vie
Au jour le jour
Plus besoin de tricher
De faire le fou
Braves gens, vous pouvez
Etre fier de vous